Pigeon or not pigeon


Mardi soir : Diner dans un resto corse très sympa avec mes copains d’école.
Et là, de quoi on parle (après le tour classique du gossip sur les anciens de l’école et autres)… des pigeons !! Incroyable, l’entrepreneuriat est devenu en quelques jours un vrai sujet national !

Les pigeons… que dire : On en parle/on en entend parler tous les jours, une bonne cinquantaine de mes contacts Facebook ont “liké” le mouvement, la newsletter de la Tribune consacre chaque jour au minimum 2 articles sur le sujet, mon fil Twitter est rempli de pigeonneries, il y a eu une vidéo organisée dans ma Pépinière.

Et moi dans tout ça ?

Lily Pigeon

Moi je n’ai pas pour le moment adhéré au mouvement des pigeons.

Pourquoi ? Parce que d’une part je ne me reconnaissais pas forcément dans les idéaux véhiculés (trop cliché, trop politisé, trop radical, trop “web parisian start-up” centré, …), et que d’autre part je ne me reconnaissais pas forcément dans les portes paroles improvisés du mouvement.

Et vendredi dernier, j’ai découvert, lu, relu et beaucoup aimé le papier d’Olivier Mathiot pour le JDN. Olivier est quelqu’un de brillant et de sympa, et accessoirement (ou pas), il est investisseur chez Lily Liste.

Dans ce cadre, il a toujours fait preuve d’un pragmatisme constructif (ce qui n’est pas toujours le cas), et a toujours été derrière nous pour nous faire profiter de ses contacts, de ses connaissances, et de son expérience.

Au delà du fond ou de la forme de son papier, je me suis reconnue (ou j’espère me reconnaître un jour plutôt hein) dans cet entrepreneur qui a vécu mes galères, qui a réussi, et qui réinjecte à la fois son argent et son temps dans toutes sortes de start-ups.

Eh puis bon, banquière ou entrepreneuse, j’ai toujours voté à gauche, héritage familial probablement, mais aussi vraie conviction.
Mon double diplôme école d’ingénieur/fac ne m’a rien coûté, étudiante j’étais même boursière, quand mes proches ont eu des problèmes de santé ils ont été pris en charge…alors quand j’ai eu bien gagné ma vie j’ai trouvé ça normal de payer beaucoup d’impôts, et aujourd’hui l’augmentation de l’IR ou de l’ISF sont des mesures qui ne me choquent pas, au contraire (sans blague…je préférerais payer des impôts plutôt que de ne pas être imposable !!).

Elles me choquent d’autant moins que depuis que je suis entrepreneuse, j’ai pu voir à quel point la France accompagnait et finançait ses entrepreneurs. Lorsqu’on entreprend on a des dizaines d’aides (ACCRE, ARCE, NACRE, OSEO Financement, OSEO Innovation, CIR, JEI, PIA, …) et de structures (Incubateurs, Pépinières, Réseau Entreprendre, …) qui sont là pour nous aider (et ayant profité d’un certain nombre de ces dispositifs, je ne me sens pas tellement “pigeonnée” pour le moment).

En celà le G20 YES auquel j’ai participé, au cours duquel j’ai pu échanger avec des entrepreneurs venus d’autres horizons, m’a permis de me rendre compte que :
- Oui la France est en retard dans les mentalités : Nous entrepreneurs, on souffre d’une image publique de “short term gainer”, un peu à la manière des traders dont je faisais partie autrefois (autant c’est relativement vrai pour ces derniers, même si je déteste là aussi tous les a priori, raccourcis et préjugés dont les banquiers, cibles faciles, souffrent, autant pour les entrepreneurs ce n’est pas du tout vrai, mais alors PAS DU TOUT…malheureusement :-), et pour moi il est là le vrai enjeu de l’Entrepreneuriat en tant que cause nationale)
- Mais concernant l’accompagnement, La France est largement en avance sur les US typiquement, pourtant qualifiés de “champions de l’entrepreneuriat”

Donc franchement, si c’est pour continuer à financer tout celà (en plus du système éducatif, de la couverture sociale et de (presque) tout le reste), oui, payons des impôts.

En revanche concernant l’imposition de la plus value, je pense qu’il y a un juste milieu à trouver. Selon moi on n’impose pas de la même façon un entrepreneur et ses financeurs, et on ne les impose pas n’importe comment :
Pour ces derniers il faut que le “risk reward” soit intéressant pour qu’ils ne se détournent pas de ce type d’investissement.
Pour les premiers, il faut que le “risk reward” soit intéressant pour qu’ils ne se détournent pas de ce type de choix de vie.

Car l’entrepreneuriat, c’est peut-être une vocation, mais c’est avant tout un choix de vie.
Moi j’ai dit adieu à une carrière toute tracée à la BNPP, j’ai dit adieu au confort du salariat, au confort de 9 semaines de congés par an, au confort d’un salaire tombant chaque mois, au confort de pouvoir emprunter/me loger facilement, au confort d’un PEE et d’une couverture santé, au confort de ne pas me poser de question tout simplement.

J’ai mis entre parenthèses ma vie sociale, ma vie de couple, ma vie de famille.
Je travaille 65h par semaine, je prends 4 semaines de vacances par an, je ne pars jamais en we, je ne dors pas forcément bien (ni assez) la nuit, je ne me balade jamais sans mon PC, et quand ma tréso s’épuise, je ne me paie plus (un SMIC) pour pouvoir continuer à payer le reste. C’est ça être entrepreneur… On est loin du “gros méchant capitaliste qui va se barrer en Belgique pour payer moins d’impôts…bouhhhh”.

Bref, je vis ma boite et je donne tout ce que j’ai sans jamais avoir l’assurance que ça fonctionne un jour.
Alors le jour ou (si) ça fonctionne, j’aimerais a minima pouvoir rentrer dans mes frais (que ce soit mon investissement en cash ou en temps).

Donc voilà l’état de mes réflexions (humblement, je ne suis ni militante, ni économiste, juste entrepreneuse) :
- L’entrepreneuriat comme cause nationale, représentative de tous les types d’entrepreneurs, pour faire changer les mentalités, fédérer, vulgariser, évangéliser, redorer le blason et reconnaître la valeur des entrepreneurs (en évitant les mauvais amalgames)
- Et une imposition intelligente, une imposition différente pour les entrepreneurs et leurs financeurs, une imposition qui décroit avec le temps, et une imposition qui permet de redistribuer la richesse quand elle existe, sans pour autant freiner les entrepreneurs et leurs financeurs dans leurs rêves/espoirs de réussite.

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2 Commentaires

  1. Florence L.No Gravatar

     /  10 Octobre 2012

    Cela me fait plaisir de lire ce mot d’humeur à la fois sur la forme ( brillante ;-) ) et sur le fond, lucide, humble et NUANCE !!!!!!!
    D’une part parce que j’articule aussi quelques convictions personnelles et quelques aspirations matérielles qui font que d’une certaine façon, plus je paie d’impôts, plus je suis contente.
    D’autre part j’ai eu le sentiment récemment que la façon dont ont été médiatisées les inquiétudes, dont certaines sont légitimes, des investisseurs et des entrepreneurs sont de nature à entretenir des stéréotypes délétères.

  2. BenjaminNo Gravatar

     /  11 Novembre 2012

    Tellement rare d’avoir un propos dépassionné sur ce genre de sujet. Merci !

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